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  • «Ville et Littérature»

    par Ketty VALCKE

     

      Bonjour ! Tout d'abord, je tiens à me présenter : je suis étudiante en Histoire-Géo à l'université de Boulogne-sur-mer. Julien (qui a créé ce site) m'a proposé de traiter un dossier sur un thème de la littérature française. J'ai choisi la ville mais je ne traiterai pas ce thème de façon traditionnelle (place, rôle, espace consacré aux descriptions des villes?) mais avec un regard plus « spatialisé » à partir du constat suivant : la littérature française reproduit les déséquilibres de l'espace français. En effet, de même que l'on observe une macrocéphalie dans le système urbain français, on observe une place prééminente de la capitale dans la littérature française. D'autres villes apparaissent mais sont peu nombreuses. Je tenterai d'expliquer les causes de ces phénomènes. Ce travail a sûrement le défaut de s'appuyer sur peu d'exemples, et par là même donne une vision certainement fausse de la réalité de la littérature française. Mais cette vision est peut-être partagée par ceux qui ont reçu la même culture littéraire scolaire que moi. Posez-vous la question : de quelles villes de vos lectures vous souvenez-vous ?

     

    I - La littérature française : Paris et le désert français 1 ?


    A - Un constat : Paris domine

      Sans être exhaustif, on peut citer les plus grands auteurs de différentes époques et courants : Les Liaisons Dangereuses de Laclos (1782), Notre-Dame de Paris d'Hugo (1831), Le Père Goriot de Balzac (1835), L'éducation sentimentale de Flaubert (1869), Au bonheur des Dames de Zola, L'âge de raison de Sartre (1945)? Tous ces romans ont pour seul ou principal décor la capitale. On peut citer également des poèmes : me viennent en tête Le Spleen de Paris de Baudelaire et Le Pont Mirabeau d'Apollinaire.


    B -Une cause : Paris est « l'espace vécu » des écrivains

      Depuis toujours, celui qui veut avoir une chance de percer dans le monde littéraire n'a pas d'autres choix que celui de se rendre où sont les éditeurs, les médias. Or ceux-ci sont fortement concentrés à Paris. Les écrivains, même s'ils ne vivent pas à temps complet à Paris, sont obligés de s'y rendre pour passer des contrats, pour faire la publicité de leur ouvrage. Même si la contrainte était plus importante autrefois qu'aujourd'hui : il fallait être introduit dans des salons, être présenté à des éditeurs?, elle demeure toujours à l'ère du TGV et d'internet car il est nécessaire de rencontrer les représentants des maisons d'édition, de faire la promotion de son livre, produit de consommation qui assure un revenu, dans la presse spécialisée et générale, à la radio, voire à la télévision. Les écrivains fréquentent donc régulièrement la capitale. Ils la connaissent : et peut-on ne pas l'aimer ? En plus de la beauté que beaucoup célèbrent, le choix de la capitale peut être vu comme un gage d'universalité : le monde entier connaît Paris.


    C - Paris : le lieu où il faut être

      En plus de l'aspect pratique, il faut ajouter le rôle des représentations dans le choix de Paris. Si Paris est une métropole culturelle de premier plan, elle apparaît souvent comme le seul lieu culturel de la France. Cette image a été entretenue par la vision qu'ont les personnages des romans de Paris et de la Province. On peut évoquer l'horreur qu'a la Marquise de Merteuil de la « campagne » dans Les Liaisons dangereuses de Laclos : Paris lui apparaît comme le seul endroit vivable car on peut y vivre parmi les gens de son rang, on peut être vu et voir. On ne s'y ennuie point. Paris offre un spectacle permanent par les aventures qui arrivent aux aristocrates désoeuvrés. Le château est pour elle la mort publique, pire que la mort réelle. On retrouve cette idée de vie et de mort dans L'éducation sentimentale de Flaubert : Frédéric Moreau ne peut se résoudre à retourner vivre à Nogent-sur-Seine après ses études. S'y rendre même l'indispose : « M. Frédéric Moreau, nouvellement reçu bachelier, s'en retournait à Nogent-sur-Seine, où il devait languir pendant deux mois, avant d'aller faire son droit [?] il se dédommageait de ne pouvoir séjourner dans la capitale, en regagnant sa province par la route la plus longue ». Même si l'on désapprouve la conduite irraisonnée de certains héros comme Frédéric Moreau ou le Rastignac du Père Goriot de Balzac, qui n'hésitent pas à rançonner leur famille pour rester à Paris et y vivre oisivement, l'énergie qu'ils produisent pour vivre à Paris n'a pu que marquer profondément tous ceux qui ont lu ces romans.

      Par opposition, la province est le lieu de la médiocrité. Si Paris est le lieu des intellectuels (cf. le Mathieu de L'âge de raison de Sartre qui est un grand universitaire), des ambitieux (cf. Rastignac de Balzac ou le Eugène de Zola), des révolutionnaires (Les Misérables de Hugo), la province est le lieu des frileux, des petits bourgeois avares comme le père d'Eugénie Grandet, des bourgeois peureux qui accueillent avec soulagement le coup d'état de Louis Napoléon Bonaparte dans La Fortune des Rougons de Zola : ce dernier décrit ainsi Plassans, ville qui n'existe pas en réalité et qui ainsi fait un peu figure de type :  « Tout l'esprit de la ville, fait de poltronnerie, d'égoïsme, de routine, de la haine du dehors et du désir religieux d'une vie cloîtrée, se trouvait dans ces tours de clefs donnés aux portes chaque soir ». Quand ce ne sont pas les notables mais le petit peuple qui est représenté, celui-ci prend les traits du « Coeur simple » de Félicité des Trois contes de Flaubert ou des mineurs désespérés de Germinal de Zola. Si Paris prend des aspects négatifs car elle est une ville du paraître, elle bénéficie d'une image positive par l'attrait qu'elle exerce sur les personnages.


    II - D'autres regards sur d'autres villes


    A - Quelques visions négatives de la ville en général

      Quand certains auteurs condamnent la ville, ils la condamnent en bloc. On peut évidemment citer Rousseau qui situe la vie idéale à la campagne dans La Nouvelle Héloise comme dans L'Emile. Plus récemment, on peut évoquer Barjavel qui élabore une vision apocalyptique du futur dans lequel la ville à force d'avoir toujours plus éloigné l'homme de sa nature et de la nature devient néfaste pour lui qui doit retourner à la terre. De même, dans 1984 de George Orwell, la ville apparaît hostile par opposition à la campagne ou l'on peut encore échapper à la surveillance de Big Brother.

      Senghor dans Ethiopiques nous donne une vision de New-York qui sans être totalement négative souligne le côté froid, anonyme et artificiel de la grande ville Ce choix de New-York peut d'ailleurs être interprété comme la marque d'une nouvelle polarité culturelle qui s'exerce sur les écrivains de langue française?


    B - Des visions positives de villes de Province : la ville natale ou de l'enfance

      Les descriptions de Combray de Proust sont empreintes de la nostalgie de l'enfance perdue : il ne la rappelle à sa mémoire que dans une perspective analytique. Les villes de Pagnol sont elles aussi chargées du poids de l'enfance heureuse à Aubagne et en Provence.


      Bien sûr, cette étude est incomplète et peut-être réfutable. Alors réfutez-la ! Vous avez sûrement de nombreuses choses à dire à ce sujet, des auteurs oubliés à défendre, des auteurs peu connus à faire connaître voire même un texte de vous sur ce thème à diffuser : ce site est là pour ça : exprimez-vous !

     

     


    1 Titre de l'ouvrage de J-F Gravier (1947) qui souligne le déséquilibre Paris/Province sur le territoire français.

     

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