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La vocation théâtrale (1622-1645) Le jeune bourgeois parisien Jean-Baptiste Poquelin, né en 1622, doté d'une solide instruction classique par les Jésuites du Collège de Clermont, formé sur le plan philosophique par la fréquentation des " libertins ", se passionna très tôt pour l'art de la scène, dont les parades et les spectacles de farce lui donnèrent sans doute le goût. En 1643, il fonde et dirige une troupe, l'Illustre Théâtre, avec les comédiennes Madeleine et Geneviève Béjart ; lui-même prend le nom de Molière. L'apprentissage (1645-1658) Ayant fait faillite en 1645, Molière renonce à réussir tout de suite à Paris et va faire en province son apprentissage d'acteur et d'auteur. A la tête d'une troupe comique ambulante, il s'essaie dans le genre de la farce à la mode italienne (des acteurs italiens, qu'il avait connus à Lyon, les Gelosi, le familiarisèrent avec la commedia dellarte) et dans la comédie à intrigue romanesque, où déjà il met sa marque propre par l'alternance de scènes d'un comique délicat et d'autres scènes d'un comique plus gros. Les premières luttes (1658-1663) Molière est de retour à Paris en 1658 et, dès 1659, obtient un franc succès avec une farce, Les Précieuses ridicules, qui sont en réalité sa première comédie de moeurs et en même temps annoncent, par leur apologie indirecte du bon sens et de la nature, des principes qui seront à la fois ceux de l'art classique et ceux de la philosophie de l'auteur. Toutefois, Molière na pas encore l'impression davoir trouver sa voie et s'essaie dans le genre sérieux avec Don Garcie de Navarre (1661), comédie héroïque où il donne, malgré lui, une tonalité amusante au thème douloureux de la jalousie obsessionnelle. Comprenant décidément qu'il nest pas doué pour le tragique, il revient à la comédie. Son mariage, le 20 février 1662, avec la très jeune Armande Béjart (la soeur de Madeleine) l'amène à préciser sa philosophie de la vie dans sa première grande comédie de caractères, L'Ecole des Femmes (1662). Molière y présente une jeune fille (Agnès qu'incarnait Armande Béjart), qui prend conscience d'elle-même, malgré les tentatives de son tuteur amoureux pour entraver son développement. Il y montre finalement l'instinct vainqueur et ridiculise, en un comique d'une profondeur nouvelle, les prétentions à le dompter. Le succès éclatant de cette pièce lui valut autant d'ennemis que de partisans et l'amena à se lancer dans les premières luttes que son génie eut à soutenir. Il ne répondit pas aux critiques d'une façon directe ; il n'a du reste jamais écrit de traité systématique pour la défense de son art. En revanche, il profita de la querelle de l'Ecole des Femmes pour présenter deux comédies nouvelles, La Critique de l'Ecole des Femmes et L'Impromptu de Versailles (1663), où il donne du comique une définition à la fois ambitieuse (faire rire les " honnêtes gens " par des portraits ressemblants) et empirique (plaire au parterre et à la Cour sans trop tenir compte des règles). Le grand combat (1664-1669) Molière provoqua à nouveau de très vives attaques contre lui en abordant, dans une pièce d'un ton plus élevé, Tartuffe (1664), le problème de l'hypocrisie religieuse. Tout en dénonçant avec une profonde pénétration psychologique un vice fort à la mode, Molière atteignait dans cette pièce, où l'obsession d'un personnage envoûté répond plaisamment à la terrible puissance du fourbe, au modèle parfait de la comédie de caractères. Molière dut alors livrer le grand combat de sa carrière : ses ennemis, groupés en une " cabale " où joua un rôle actif la Compagnie du Saint-Sacrement, association religieuse pour la défense des bonnes moeurs, empêchèrent à plusieurs reprises Tartuffe d'être joué publiquement. En attendant que l'appui du Roi fasse lever cette interdiction, Molière, dans Don Juan (1665), pose le problème du " libertinage ", dont il étudie subtilement les liens profonds avec l'hypocrisie et dont il présente les principaux aspects : séduction sans scrupule, hardiesse philosophique, cynisme en face de la société. Moins brûlant, mais d'un comique humain et parfois douloureux, est Le Misanthrope (1666), qui traite de l'éternelle opposition entre la sincérité et la vie mondaine, entre celui pour qui l'amour est don total et celle pour qui il n'est que coquetterie, entre l'énergie d'un " honnête homme " et sa faiblesse devant la femme qu'il aime. Mais Molière sait aussi revenir à un comique plus léger : une farce, Le Médecin malgré lui, où le rythme bouffon des scènes n'empêchent pas la finesse de l'observation psychologique, une fantaisie mythologique, Amphitryon, marquent une certaine détente entre les grandes comédies précédentes. Il écrit également un nouveau chef-d'oeuvre, L'Avare (1668), d'où, malgré d'amusantes situations, on retire une impression d'ensemble assez trouble et assez amère, le comique y conduisant souvent au dramatique. La consécration (1669-1673) Molière peut enfin faire jouer Tartuffe en 1669 et connaît alors la consécration définitive : comédien en titre du Roi depuis 1665, il est un véritable " intendant des spectacles royaux ". Il écrit, entre autres pièces pour la Cour, une comédie-ballet (c'est-à-dire une comédie avec intermèdes dansés et chantés entre les actes), Le Bourgeois gentilhomme (1670), où il se moque du snobisme de la noblesse et des titres honorifiques chez un marchand parvenu. Il revient à la farce avec Les Fourberies de Scapin (1671) et à la grande comédie de moeurs et de caractères avec les femmes Savantes, où, suivant sa méthode habituelle, il raille chez les femmes, non la culture en elle-même, mais un pédantisme qui leur ferait fuir leur rôle naturel et social ; cependant il n'adopte pas non plus le point de vue du bon bourgeois Chrysale, dont la médiocrité est tout aussi ridicule. Enfin, dans une dernière pièce, Le Malade Imaginaire (encore une comédie-ballet), composée à un moment où sa santé donne des signes de défaillance, Molière s'en prend aux médecins, à leur déformation professionnelle, et à ceux qui, par peur de la mort, leur obéissent aveuglément. Il donne à ce sujet, peu comique par lui-même, un rythme de farce endiablée, tout en faisant une satire cruelle d'une certaine science grotesque et figée dans sa suffisance. Molière mourut le 17 février 1673, après une représentation du Malade Imaginaire.
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